CHAPITRE XXXIV
Le missile décrivait une courbe lumineuse sur fond de ciel croûteux. Il passa bien au-dessus du loco-car et alla exploser à cinq cents mètres devant. Un volcan de glace jaillit et Harry freina à mort en criant que la ligne devait être détruite.
Les morceaux de glace, la poussière n’en finissaient pas de retomber. Jdrien alla à l’arrière, concentra son influx sur la mécanique de la vedette rapide mais en vain. Son blindage particulier arrêtait sa volonté.
— Les rails sont coupés, dit simplement Harry.
Frege sortit son revolver d’un air farouche mais Jdrien trouva cette attitude dérisoire. Il pensait que lui aurait pu s’enfuir, survivre sur la banquise. Les Aiguilleurs, trop disciplinés, ne l’auraient pas poursuivi en dehors des rails, mais les trois autres n’auraient pu l’accompagner. Alors il décida de rester. C’était stupide, comme sentiment chevaleresque.
— Jdrien, dit Nella, toi tu peux en réchapper. Tu es un sale métis de Roux et tu résistes mieux au froid que nous. Va-t’en, ne te soucie pas de nous.
— Elle a raison, dit Harry, pourquoi rester alors qu’il y a une possibilité pour toi ?
— Puisque tu n’es qu’un sale métis de Roux puant, appuya Frege. Tu cavaleras droit devant et ils ne vont pas se risquer à te poursuivre. La banquise, ils détestent ça.
Jdrien regardait la vedette rapide qui approchait, les tenant sous la menace d’armes plus légères.
— Qu’est-ce qu’ils attendent pour nous pulvériser ? s’impatienta le frère cadet.
— Ils nous veulent certainement vivants, dit Jdrien.
— Non, cria Nella, pourquoi agiraient-ils ainsi ? Ce n’est pas du tout dans leurs habitudes… Nous n’apprenons pas la mansuétude.
— Ils ont besoin de nous, je ne sais pourquoi, mais ils en ont besoin. Certainement pas pour nous arracher des renseignements, puisqu’ils savent tout.
Harry avait quitté ses commandes et les avait rejoints à l’arrière du loco-car.
— Ils ne descendent pas.
Soudain quelque chose sortit du flanc droit de la vedette et se mit à rouler sur un seul rail.
— Une torpille monorail, dit Jdrien.
Nella les avait rejoints et poussa un cri déchirant :
— Une torpille qui contient un gaz anesthésiant. Il s’infiltrera partout car ce loco-car n’est pas étanche. Il y a des ouïes de ventilation qu’on ne peut obturer assez vite. Je ne veux pas tomber vivante entre leurs mains… Non jamais plus.
Alors elle retourna vers la couchette et s’y allongea.
Jdrien se retourna vers elle au moment où la torpille éclatait avec un bruit anodin. Ce gaz spécial ne mit que quelques secondes à pénétrer à l’intérieur du véhicule.
— Adieu, sale métis ! dit Nella.
Elle se concentra et cria :
— Ophiuchus.
Jdrien, déjà paralysé par le gaz, la vit se raidir d’un coup et mourir, avant de sombrer dans l’inconscience.
Fin du tome 39